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Témoignage de Francine Michel (page 1)

Pour la Commission d'Indemnisation des Victimes de Spoliations

Mme Francine FEINERMANN

née MICHEL en 1938 à Lille
75019 PARIS
Mon témoignage

Je voudrais expliquer par la présente comment j'ai été perturbée par la guerre.

Ma mère , mon frère et moi , nous nous sommes sauvés dans la zone libre au début de la guerre et mon père nous a rejoint quand il a été démobilisé . Nous nous sommes installés à Caussade . A partir du moment où la zone libre a été envahie par les Allemands , nous avons dû nous cacher en tant que Juifs et parce que mon père était dans la Résistance . Après avoir été dénoncés par un habitant de Caussade , nous avons été cachés pendant 3 jours et 3 nuits dans une chambre noire chez la famille ROBERTIES qui a obtenu la médaille du Yad Vashem .

Mr ROBERTIES m'a raconté qu'ils étaient effrayés car dans cette chambre il y avait une petite fille qui pleurait et cela les mettait en danger car des Allemands rentraient chez eux prenaient des saucissons qui étaient suspendus au plafond et ressortaient ... Cette petite fille qui pleurait car elle avait peur du noir, c'était moi !

Ensuite nous sommes partis et avons dû nous cacher de village en village en changeant de nom. Notre nouveau nom était MOREL. Je sais que nous étions cachés chez des paysans près de Carmaux où ma mère était bonne à tout faire et mon père devait garder des vaches. Je sais aussi que nous sommes allés à l'école à Carmaux et le premier jour l'institutrice a parlé à ma mère en lui expliquant que mon frère avait mélangé les 2 noms MICHEL et MOREL et elle a compris que nous nous cachions et que nous avons intérêt à ne plus retourner à l'école, que quelqu'un d'autre qu'elle aurait pu nous dénoncer.

Nous sommes ensuite repartis du côté de Caussade. Nous nous sommes cachés à La Bénèche chez Mr POUZELGUES dans un petit abri qu'il nous a loué, et ce Monsieur avait un fils anormal qui prenait plaisir à me faire peur en hurlant et me donnant des coups. Je tremblais de peur. Ensuite nous avons habité dans une maison de 1 pièce pleine de rats louée par Mr CATUS à la Blogne. Ma mère tricotait des chaussons qu'elle vendait pour nous nourrir.

La guerre m'a énormément perturbée, et quand nous sommes rentrés à Lille après la libération, je me souviens que je tremblais et pleurais pour un rien, aussi bien à la maison qu'à l'école. Ce tremblement, je l'ai eu jusqu'à mon adolescence. De plus j'étais si maigre qu'on devait me faire des séances de rayons ultra violets.

Ma mère était devenue très nerveuse avec les épreuves de la guerre, et j'ai eu avec elle des relations très conflictuelles. Quelques années après guerre en 1950 s'est déclarée chez mon père une très grave maladie: la sclérose en plaques. Nous ne pouvons pas prouver que c'est dû au stress de la guerre, mais c'est fortement possible. L'usine en même temps a fait de mauvaises affaires et il a dû la vendre à La Belle Jardinière et comme il était d'une honnêteté à toute épreuve, il a remboursé tous ses fournisseurs pour ne pas avoir la honte de faire faillite et il ne lui est plus rien resté. Nous avons ensuite vécu très pauvrement.

Pour faire mes études en mathématiques j'ai été maîtresse d'internat à Cambrai. Puis j'ai eu une bourse de l'Education Nationale. Après ma deuxième année d'enseignement des mathématiques j'ai fait une dépression nerveuse terrible; j'ai été hospitalisée une 1ére fois à Lille puis dans une maison de l'Education Nationale à La Verrières près de Versailles en 1963. A ce moment là tous les événements de ma vie sont ressortis.

Je suis persuadée que toutes ces perturbations ont été causées par la vie que j'ai eue pendant la guerre.

Fait à Paris le 8 mars 2005
Francine FEINERMANN.

Discours de Francine Feinermann Michel à Caussade lors de la remise de la médaille des Justes à M. Roberties

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